Reference: Le monde est bien fait ... d'après Sganarelle
Reference information: Le monde est bien fait ... d'après Sganarelle et son raisonnement finit par se casser le nez - d'après Molière ... Le commentaire: #4# Le monde est bien fait (l101-108) : Sganarelle prend des exemples dans le microcosme pour montrer que, le monde étant bien fait, Dieu existe nécessairement. L'organisme est organisé : sans admirer de quelle façon cela est agencé l'un dans l'autre. Ce monde est harmonieux : admirer. Sganarelle montre que tout a un but, une fin et il a bien fallu que quelqu'un pense et fasse tout cela. Et comme le monde fonctionne bien : le créateur est d'intelligence supérieur. https://roffet.com/documents/livres/moliere/dom_juan/ le texte: Don Juan ou le Festin de pierre Édition Louandre, 1910/Acte III Scène I DON JUAN, en habit de campagne, SGANARELLE, en médecin. Sganarelle Ma foi, monsieur, avouez que j’ai eu raison, et que nous voilà l’un et l’autre déguisés à merveille. Votre premier dessein n’était point du tout à propos, et ceci nous cache bien mieux que tout ce que vous vouliez faire. Don Juan Il est vrai que te voilà bien ; et je ne sais où tu as été déterrer cet attirail ridicule. Sganarelle Oui ? C’est l’habit d’un vieux médecin, qui a été laissé en gage au lieu où je l’ai pris, et il m’en a coûté de l’argent pour l’avoir. Mais savez-vous, monsieur, que cet habit me met déjà en considération, que je suis salué des gens que je rencontre, et que l’on me vient consulter ainsi qu’un habile homme ? Don Juan Comment donc ? Sganarelle Cinq ou six paysans et paysannes, en me voyant passer, me sont venus demander mon avis sur différentes maladies. Don Juan Tu leur as répondu que tu n’y entendais rien ? Sganarelle Moi ? Point du tout. J’ai voulu soutenir l’honneur de mon habit ; j’ai raisonné sur le mal, et leur ai fait des ordonnances à chacun. Don Juan Et quels remèdes encore leur as-tu ordonnés ? Sganarelle Ma foi ! monsieur, j’en ai pris par où j’en ai pu attraper ; j’ai fait mes ordonnances à l’aventure ; et ce serait une chose plaisante si les malades guérissaient, et qu’on m’en vînt remercier. Don Juan Et pourquoi non ? Par quelle raison n’aurais-tu pas les mêmes privilèges qu’ont tous les autres médecins ? Ils n’ont pas plus de part que toi aux guérisons des malades, et tout leur art est pure grimace. Ils ne font rien que recevoir la gloire des heureux succès ; et tu peux profiter, comme eux, du bonheur du malade, et voir attribuer à tes remèdes tout ce qui peut venir des faveurs du hasard et des forces de la nature. Sganarelle Comment, monsieur, vous êtes aussi impie en médecine ? Don Juan C’est une des grandes erreurs qui soient parmi les hommes. Sganarelle Quoi ? vous ne croyez pas au séné, ni à la casse, ni au vin émétique ? Don Juan Et pourquoi veux-tu que j’y croie ? Sganarelle Vous avez l’âme bien mécréante. Cependant vous voyez, depuis un temps, que le vin émétique fait bruire ses fuseaux[1]. Ses miracles ont converti les plus incrédules esprits ; et il n’y a pas trois semaines que j’en ai vu, moi qui vous parle, un effet merveilleux. Don Juan Et quel ? Sganarelle Il y avait un homme qui, depuis six jours, était à l’agonie, on ne savait plus que lui ordonner, et tous les remèdes ne faisaient rien ; on s’avisa à la fin de lui donner de l’émétique. Don Juan Il réchappa, n’est-ce pas ? Sganarelle Non, il mourut. Don Juan L’effet est admirable. Sganarelle Comment ! il y avait six jours entiers qu’il ne pouvait mourir, et cela le fit mourir tout d’un coup. Voulez-vous rien de plus efficace ? Don Juan Tu as raison. Sganarelle Mais laissons là la médecine, où vous ne croyez point, et parlons des autres choses ; car cet habit me donne de l’esprit, et je me sens en humeur de disputer contre vous. Vous savez bien que vous me permettez les disputes, et que vous ne me défendez que les remontrances. Don Juan Eh bien ? Sganarelle Je veux savoir un peu vos pensées à fond. Est-il possible que vous ne croyiez point du tout au ciel ? Don Juan Laissons cela. Sganarelle C’est-à-dire que non. Et à l’enfer ? Don Juan Eh ! Sganarelle Tout de même. Et au diable, s’il vous plaît ? Don Juan Oui, oui. Sganarelle Aussi peu. Ne croyez-vous point à l’autre vie ? Don Juan Ah ! ah ! ah[2] ! Sganarelle Voilà un homme que j’aurai bien de la peine à convertir. Et dites-moi un peu, [le moine bourru[3], qu’en croyez-vous ? eh ! Don Juan La peste soit du fat ! Sganarelle Et voilà ce que je ne puis souffrir ; car il n’y a rien de plus vrai que le moine bourru, et je me ferais pendre pour celui-là. Mais encore faut-il croire en quelque chose dans le monde : qu’est-ce donc que vous croyez ? ] Don Juan Ce que je crois ? Sganarelle Oui. Don Juan Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit. Sganarelle La belle croyance et les beaux articles de foi que voici ! Votre religion, à ce que je vois, est donc l’arithmétique ? Il faut avouer qu’il se met d’étranges folies dans la tête des hommes, et que, pour avoir bien étudié, on en est bien moins sage le plus souvent. Pour moi, monsieur, je n’ai point étudié comme vous, Dieu merci, **** et personne ne saurait se vanter de m’avoir jamais rien appris **** ; mais, avec mon petit sens, mon petit jugement, je vois les choses mieux que tous les livres, et ***** je comprends fort bien que ce monde que nous voyons n’est pas un champignon qui soit venu tout seul en une nuit. Je voudrais bien vous demander qui a fait ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel que voilà là-haut, et si tout cela s’est bâti de lui-même. Vous voilà, vous, par exemple, vous êtes là : est-ce que vous vous êtes fait tout seul, et n’a-t-il pas fallu que votre père ait engrossé votre mère pour vous faire ? Pouvez-vous voir toutes les inventions dont la machine de l’homme est composée, sans admirer de quelle façon cela est agencé l’un dans l’autre ? ces nerfs, ces os, ces veines, ces artères, ces…, ce poumon, ce cœur, ce foie, et tous ces autres ingrédients qui sont là et qui… ***** Oh ! dame[4], interrompez-moi donc, si vous voulez. Je ne saurais disputer, si l’on ne m’interrompt. Vous vous taisez exprès, et me laissez parler par belle malice. Don Juan J’attends que ton raisonnement soit fini. Sganarelle Mon raisonnement est qu’il y a quelque chose d’admirable dans l’homme, quoi que vous puissiez dire, que tous les savants ne sauraient expliquer. Cela n’est-il pas merveilleux que me voilà ici, et que j’aie quelque chose dans la tête qui pense cent choses différentes en un moment, et fait de mon corps tout ce qu’elle veut ? Je veux frapper des mains, hausser le bras, lever les yeux au ciel, baisser la tête, remuer les pieds, aller à droit, à gauche, en avant, en arrière, tourner… Il se laisse tomber en tournant. Don Juan Bon ! **** voilà ton raisonnement qui a le nez cassé. **** Sganarelle Morbleu ! je suis bien sot de m’amuser à raisonner avec vous. Croyez ce que vous voudrez : il m’importe bien que vous soyez damné ! Don Juan Mais tout en raisonnant, je crois que nous sommes égarés. Appelle un peu cet homme que voilà là-bas, pour lui demander le chemin. https://fr.wikisource.org/wiki/Don_Juan_ou_le_Festin_de_pier... https://fr.wikisource.org/wiki/Don_Juan_ou_le_Festin_de_pier...
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